Dr Dunois Erick Cantave - Considérations autour du décès du Juge Jean Serge Joseph



Objet d'un harcèlement de l'Exécutif, le juge Jean Serge Joseph succombe à une congestion cérébrale.

Directement mis en cause dans cette affaire ayant tourné au drame, le Président Michel Martelly et le Premier ministre Laurent Lamothe ainsi qu'un conseiller présidentiel avaient, selon des informations crédibles, mis en demeure le magistrat d'abandonner sans délai les poursuites judiciaires engagées contre l'épouse et le fils du chef de l'Etat, accusés de se livrer à des détournements de fonds massifs

Le juge Jean Joseph Serge, objet d'intenses pressions indues de la part du pouvoir après avoir ordonné la poursuite, au tribunal correctionnel de Port-au-Prince, de la procédure judiciaire pour corruption engagée contre la famille présidentielle, est décédé samedi soir des suites d'un accident vasculaire cérébral (AVC).

Selon ce qu'a appris Radio Kiskeya de sources proches de sa famille, le magistrat, plongé dans un coma profond, a rendu l'âme à l'hôpital Bernard Mevs (sur la route de l'aéroport, nord de la capitale) où il avait été admis d'urgence tôt dans la matinée.

Lors d'une audience consacrée à une plainte déposée par deux jeunes avocats, Mes André Michel et Newton Saint-Juste, contre l'épouse du chef de l'Etat, Sophia Martelly, et leur fils Olivier, accusés tous deux de détournement de fonds publics et d'usurpation de titre, le 2 juillet dernier, Jean Joseph Serge avait rendu une ordonnance demandant la comparution à la barre comme témoins du Premier ministre Laurent Lamothe et de plusieurs autres dignitaires de l'Etat.

Cette décision jugée osée par le régime en place -qui se veut pourtant le champion de l'Etat de droit- allait entraîner une succession d'ingérences dans les affaires judiciaires marquées au coin du scandale. Ainsi, selon des informations de première main, le Président Michel Martelly, le Premier ministre Laurent Lamothe et un conseiller présidentiel, également ex-ministre de la justice, seraient intervenus personnellement dans le dossier pour exercer des pressions directes sur le magistrat en lui faisant injonction d'enterrer au plus vite la procédure en cours.

Après avoir fait irruption au cabinet de l'ancien ministre où, dans la foulée d'autres rencontres, le juge Joseph répondait à deux invitations coup sur coup, les mercredi 10 et jeudi 11 juillet, le duo de choc (Martelly-Lamothe) avait clairement indiqué en avoir assez de cette saga judiciaire.

En charge du dossier depuis un certain temps, le disparu avait tout tenté pour renvoyer dans les cordes ses interlocuteurs et sauvegarder l'indépendance de la magistrature en soulignant que d'énormes contraintes procédurales l'empêchaient de se prononcer dans l'attente de l'examen par la Cour d'appel de deux appels, automatiquement suspensifs.

Commentant sous le couvert de l'anonymat l'attaque cérébrale l'ayant emporté, des proches du magistrat réputé intègre ont fait savoir que jusqu'à ce fâcheux incident Jean Serge Joseph, originaire de l'Estère (Artibonite, nord) se portait bien, ne souffrant apparemment d'aucune maladie grave.

Déjà impliqué dans une multitude de scandales les uns plus ahurissants que les autres, le régime Tèt Kale -qui conduit la barque nationale depuis mai 2011- n'avait pas encore réagi aux nombreuses insinuations ou accusations franches d'une partie de l'opinion publique accompagnant l'onde de choc.

La disparition brutale du juge Joseph risquait de susciter des condamnations indignées dans différents secteurs et d'imposer au pouvoir un cadavre très encombrant symbolisant tout le contraire de l'Etat de droit démocratique dont se gargarisent nos dirigeants.

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