Affaire Walky Calixte : à qui profite l’ordonnance du juge d’instruction ?


Me. Carlos Hercule a fait appel de l’ordonnance du juge d’instruction Jean Wilner Morin demandant à la Chambre des députés de lever l’immunité de ses deux clients, les députés Rodriguez Séjour et M’Zounaya Belange Jean Baptiste. Il brandit les effets suspensifs de l’appel pour demander à la Chambre basse de surseoir à toute discussion ou délibération relatives à l’ordonnance du juge.

Selon le défenseur des députés qui est également le Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Port-au-Prince, la Chambre des députés doit attendre la décision de la Cour d’appel et éventuellement celle de la Cour de cassation avant de se prononcer sur cette demande de lever d’immunité.


Pourtant Me André Michel qui défend le policier Walky Calixte tué le 17 avril 2012 estime que l’appel de Me Hercule est nul et de nul effet. Le juge d’instruction qui enquête sur l’assassinat de ce policier dit avoir relevé des indices qui joueraient contre les deux députés. Ces derniers auraient entretenu des rapports étroits avec les assassins du policier, avant et après leur fortrait. Pour le défenseur de la famille victime, le type d’ordonnance rendue en cette matière par le juge d’instruction n’est pas susceptible d’appel. « L’ordonnance rendue par le juge Morin est simplement préparatoire, ne préjudiciant pas le fond. Une telle ordonnance n’est pas susceptible d’appel », affirme Me Michel qui invite la chambre des députés à faire droit à la demande du juge d’instruction.

Mais, en dehors des deux parties impliquées dans l’affaire d’autres juristes émettent leurs opinions dans la presse par rapport cette ordonnance. Me Claudy Gassant qui est lui-même un ancien juge d’instruction, essaie d’abord de faire une différence entre les ordonnances d’ordre administratif et celles qui sont d’ordre juridictionnel. « Si cette ordonnance rendue par le juge Morin est d’ordre administratif, l’appel n’a aucun effet sur sa mise à exécution, mais s’il est d’ordre juridictionnel, l’appel peut suspendre ses effets », nuance Me Gassant. Il regrette toutefois de ne pas avoir le libellé de l’ordonnance rendue par le juge, pour voir s’il a un caractère administratif ou juridictionnel. « Le juge d’instruction ne peut pas, dans une même ordonnance, demander au Ministre de la Justice d’écrire à la Chambre des députés et mettre un mandement exécutoire au bas de cet acte », explique Me Gassant qui rappelle que le mandement est cette phrase où le juges demandent à tous officiers de police, huissiers et autres de prêter mains fortes à l’exécution de la décision exprimée dans l’acte en question.

Notons que jusqu’ici les députés, toutes tendances confondues, qui interviennent sur cette question, estiment que la Chambre des députés doit collaborer avec la justice. Qu’il s’agisse de Sorel Jacinthe, l’un des tenants du bloc minoritaire ou de Fritz Chery, l’un des porte-parole de la majorité, ils croient que la Chambre basse ne doit pas faire obstacle à la justice. Si la Chambre des députés sursoit effectivement à ce dossier, suite à l’appel de l’avocat des députés, entre appel et pourvoi en cassation, ce dossier déjà vieux d’une année pourrait prendre encore un an, ou même davantage, avant la fin de l’instruction. Entre temps, beaucoup de choses auront changé dans le contexte politique, pour ou contre les députés.
Eddy Laguerre

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