Menace contre la liberté d’expression?
L’inquiétude est grandissante. Parlementaires, simples citoyens, responsables d’organisations des droits humains, patrons de medias et les associations de journalistes n’arrivent pas à contenir leurs inquiétudes face à ce projet, disent-ils, autoritaire qui se profile à l’horizon. Bastonnade de journalistes, arrestation illégale de parlementaire, tentative d’établir des forces parallèles à la Police, le dernier remaniement ministériel avec ce grand virage à droite et ce communiqué contre la presse sont autant de signes traduisant la volonté du pouvoir Tèt Kale de restituer l’ancien régime.
Pour la présidente de l’Association nationale des médias haïtiens (ANMH), la journaliste Liliane Pierre Paul, la liberté de la presse est sérieusement menacée. Elle assimile le communiqué du ministre de la Justice, Jean Renel Sanon, à une tentative d’« intimidation » de la presse afin que celle-ci se taise.
En plaçant le communiqué dans son contexte, Madame Pierre Paul estime qu’il y a bien anguille sous roche. Cette note vient juste après la décision du chef de l’Etat d’écarter, lui-même, certains groupes musicaux, qui ne plaisent pas au camp Rose et Blanc dans leurs meringues, du Carnaval et à la mairie de Port-au-Prince d’interdire toutes les activités festives dans la Capitale durant les trois jours du défilé carnavalesque. Ainsi, Liliane Pierre Paul n’entend nullement courber l’échine dans la lutte pour le respect de la liberté d’expression en Haïti. « Nous devons nous battre pour sauvegarder la liberté d’expression, celle de la presse ainsi que les autres formes de libertés qui sont des acquis dus à de longues luttes et au prix du sang de bon nombre de compatriotes », a-t-elle fait savoir à l’issue d’une rencontre d’information avec la Commission Justice et sécurité publique du Sénat de la République.
Jacques Desrosiers, secrétaire général de l’Association des journalistes haïtiens (AJH) abonde dans le même sens que sa consœur de Radio Kiskeya. Pour lui, il s’agit « d’un retour aux années de plomb de la dictature avec la publication de cette note datée du 10 février par le ministère de la justice citant des articles du code pénal sur la diffamation et le fameux décret scélérat et anachronique du 31 juillet 1986 sur la pratique du journalisme en Haïti ». Dans une requête adressée au président de la Commission Justice et sécurité du Sénat, l’association des journalistes haïtiens a demandé à la Commission de prendre les dispositions nécessaires pour stopper l’utilisation du décret du 31 juillet 1986 dont le contenu se révèle contraire tant à l’esprit qu’à la lettre de la Constitution en vigueur.
De l’avis du président de la Commission Justice et sécurité du Sénat, Francky Exius, il est vraiment question de persécutions contre la presse à travers ce communiqué du garde des sceaux de la République. « Ce décret déterré par le ministre n’existe pas. Car, il est contraire à la Constitution et par conséquent a été abrogé par celle-ci » nous informe le sénateur qui dit comprendre la voie dans laquelle le pouvoir veut s’orienter. Il promet, en ce sens, de demander à ses paires, à travers une résolution de prendre toutes les dispositions nécessaires pour freiner ces dérives et les empêcher de se répéter à l’avenir. En ce sens, le ministre de la justice, invité à s’expliquer devant les pères conscrits sur les motivations de sa démarche, n’a pas pu convaincre ces derniers de la justesse de sa décision. Ainsi, conformément à la demande de l’AJH, un groupe de sénateurs a soumis à l’attention de l’Assemblée une proposition de loi qui rapporte définitivement le décret du 31 juillet 1986 sur la pratique du journalisme en Haïti.
Aujourd’hui, le pouvoir en place semble oublier ou ignorer les avancées qui ont été déjà opérées en matière de liberté d’expression. Il convient en ce sens de rappeler quelques-unes de ces avancées. Depuis 1789, il est écrit à l’article 11 de la déclaration des Droits de l’homme et du citoyen que : « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme, tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus dans les cas déterminés par la loi » et la déclaration universelle des Droits de l’homme et du citoyen en son article 19 stipule: « tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre sans considération de frontière, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »
Noclès Débréus
nonohaiti2007@yahoo.fr
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