Yanick Mezile : Un symbole de mobilité sociale



Tout de la femme haïtienne

Malgré leur détermination et leur volonté, les mouvements féministes ne savent pas encore briser cette grande disparité entre hommes et femmes. Sortir du cocon de la discrimination du genre est une lutte sans merci. Une femme qui arrive à émerger dans le monde tel qu’on l’a connu, dans une société machiste pareille à la nôtre, est bien plus qu’une femme. Elle est une héroïne. Yanick Mezile est l’une de ces femmes. Elle peut être vue comme la Sanite de Charles Belair, la Marilisse ou cette Madame Labasterre de Frédéric Marcelin. Le parcours de cette authentique femme d’Haïti est tout simplement un modèle à suivre. Yanick Mezile actuellement ministre à la condition féminine, s’est déjà dévouée à plus d’une cause et a déjà remporté plus d’une bataille. Cette dame a l’habitude des petites et grandes occasions. Ce sont sa conviction, son attachement et son dévouement à la cause des petites commerçantes trop souvent abandonnées à leur sort, qui lui ont valu d’être ministre aujourd’hui. Elle en est consciente.




Elle avait 7 ans lorsque son père a quitté sa mère qui l’a élevée seule avec trois autres enfants. Pour elle, sa mère est une idole, une femme courageuse, une battante qui n’a jamais lâché prise. Yanick Mezile a 54 ans aujourd’hui et vit avec sa mère. Elle a une fille, Carène Descorbeth qui a 17 ans et qui doit bientôt commencer ses études de droit. Elle a deux autres enfants qu’elle a pris à sa charge. Yanick Mezile est diplômée de l’école de commerce Julien Craan et de l’école hôtelière d’Haïti. Elle fut boursière de l’USAID en gestion des petites et moyennes entreprises à Jackson State university (Jackson Mississipi). Elle a encadré les femmes commerçantes des marchés publics pour une intégration réussie dans le secteur bancaire autour de la micro entreprise. Elle est présidente de la fédération Haïtienne des petites et moyennes entreprises (FHAPME). Elle fut mairesse adjointe et responsable des affaires sociales de la municipalité de Port-au-Prince.



Yanick Mezile a un parcours riche. Elle raconte : « Pour être franche, je n avais jamais rêvé de devenir ministre, ni de devenir une grande femme politique, mon rêve a toujours été de travailler auprès des femmes, les accompagner, permettre que leur voix aille plus loin qu’elles même ne peuvent aller, leur servir de pont ». Pour elle, être ministre est une bonne chose. Et pour ce qui la concerne, elle est ministre à la Condition féminine. Cela est, selon elle, une occasion qui peut lui permettre d’accomplir son rêve, celui de se battre avec et pour les femmes.



Toujours pour défendre la cause des femmes

Yanick Mezile a toujours plaidé pour une plus grande implication de la femme haïtienne dans la gestion des affaires de la cité. Elle ne comprend pas pourquoi à la chambre basse du parlement haïtien il y ait seulement 5 femmes sur 99 députés et qu’au sénat, une seule femme sur 30. Elle est convaincue que les femmes haïtiennes peuvent aider au développement du pays si elles trouvent beaucoup plus de marge de manœuvre. La ministre pense que les femmes devraient pouvoir jouir des mêmes privilèges que les hommes. Elle est certaine que si les femmes pouvaient participer beaucoup plus aux grandes décisions, la situation du pays serait meilleure. Madame Mezile, souhaite plus de femmes dans l’Etat, pour elle le pouvoir et le travail n’ont pas de sexe. Elle félicite le gouvernement Martelly/Conille de l’avoir choisie comme ministre. Elle souhaite se donner à fond afin de justifier cette confiance placée en elle et montrer en même temps que les femmes peuvent beaucoup apporter lorsqu’elles sont impliquées. Elle promet au Président et au Premier ministre mais aussi et surtout à la population, qu’elle saura se montrer à la hauteur de leurs espérances.

Depuis 1986, Yanick Mezile travaille comme militante. Elle a travaillé pendant 17 ans avec la famille Bazin. Danielle Bazin, l’une des premières femmes dans ce pays à s’être données corps et âme pour défendre la cause des femmes, fut pour elle un modèle de femme haïtienne. D’autre part, elle a travaillé à la Sogebank comme intermédiaire entre les femmes commerçantes du secteur informel et la Banque. Ce travail consistait à faciliter l’accès au crédit à la carte pour les commerçantes. Aujourd’hui, elle se dit fière que plus de 80% des petites commerçantes possèdent leur carte de crédit. Elle a fondé l’Association des Commerçantes du Secteur Informel (ACSI) dans le souci de structurer son travail et de permettre aux femmes de s’associer.

ACSI est devenue leader au sein de la fédération des petites et moyennes entreprises qui comportent actuellement 54 organisations. Elle a présidé l’ACSI et la Fédération. Elle avoue n’avoir jamais appartenu à une organisation féministe. « Mon travail fut complémentaire », nous a-t-elle raconté. Elle a défendu les droits économiques des femmes haïtiennes. Elle aussi dénonçé aussi les forfaits que ces femmes subissaient et subissent encore dans le commerce avec le Panama et ailleurs. Par ailleurs, elle concède que la situation des femmes s’est considérablement améliorée de 1986 à nos jours. Elle reconnait qu’il fut un temps où les femmes avaient peur de dénoncer les abus, les viols et toutes sortes de violences qu’elles subissaient et qu’aujourd’hui, nous dit-elle, ce temps est révolu, puisque les femmes sont devenues plus responsables et n’ont plus peur de faire connaitre leurs agresseurs. Yanick Mezile plaide pour des femmes haïtiennes libres et indépendantes de ces hommes qui les maltraitent.

Une plus grande motivation vers l’accomplissement d’un rêve
Devenir ministre est une motivation pour qu’elle travaille beaucoup plus pour les droits des femmes. Madame Mezile sait que la fonction de ministre n’est pas un cadeau. Elle sait qu’un grand poste exige de grandes responsabilités. « Mais elle est prête, à remplir ses fonctions », nous a-t-elle laissé entendre. D’ailleurs elle se dit déjà plus ou moins satisfaite du travail accompli pendant un mois et demi au ministère.

Un grand calendrier pour le temps d’une fonction

La ministre se fixe cinq axes d’intervention pendant le temps de sa fonction. Concevoir le développement et la mise en place d’une politique d’égalité des sexes, renforcer la capacité organisationnelle, promouvoir et défendre les droits des femmes, sensibiliser et éduquer les femmes, autonomiser et améliorer les situations des femmes, ce sont-là les volets auxquels madame Mezile compte s’adonner dès le début de l’année 2012. Rappelons cependant que deux de ces points sont essentiels pour la Ministre : renforcer les capacités organisationnelles du ministère, autonomiser et améliorer la condition des femmes.

Beaucoup d’actions à accomplir
Elle ne sait pas encore si elle voudrait renouveler son expérience de ministre. Trop tôt pour le dire, nous a-t-elle confié. Cependant elle a une grande admiration pour les femmes parlementaires, les femmes députés et sénateurs. Pour elle c’est fascinant, une femme député, à la manière de Gérandale Thélusma de la 48e législature. Voilà, selon elle, un autre modèle de femme géniale. Madame Mezile se sent aujourd’hui plus que jamais engagée dans cette lutte pour la réhabilitation de la femme, de la femme haïtienne maintenant qu’elle est ministre à la condition féminine. Cette femme qui n’a brûlé aucune étape, qui a grandi avec une mère comme la sienne, qui a travaillé aux côtés d’une femme comme Danielle Bazin et qui a toujours vécu comme un modèle, n’en démord pas.

Madame Mezile ne veut pas perdre de temps. Les activités pullulent à son ministère. Elle a déjà visité plusieurs prisons de femmes dans la zone métropolitaine et aux cayes. Elle a distribué des kits alimentaires. Elle a été dans la Grand ‘Anse où elle a visité 10 des 12 communes du département. Pour les 17 ans du ministère, elle a organisé un grand rassemblement pour fêter avec les employés et les anciennes ministres. Elle montre beaucoup d’impatience. Elle s’empresse de poser des actions. Elle craint d’être décriée après quelques mois par des femmes insatisfaites. Yanick Mezile est anxieuse, soucieuse. Elle porte Haïti dans son cœur, elle porte les femmes haïtiennes dans son cœur. Elle ne voudrait pas les décevoir. Elle n’avait pas rêvé de devenir ministre. Mais qu’importe ! Elle sait qu’elle peut servir quelque soit sa fonction. Yanick Mezile est une grande figure féminine.

Une haïtienne fier de l’être

Yanick Mezile est une haïtienne fière de l’être. Elle aime son pays. Elle voudrait voir Haïti redevenir la Perle des Antilles qu’elle fut dans le temps. Mais mieux encore : que ce pays soit régénéré. Elle voudrait revoir le champ de mars, la place St-Pierre, la place Boyer d’antan. Yanick Mezile ne jure que par Haïti Chérie. Elle est de ces femmes qu’il faut pour faire évoluer le monde, pour faire évoluer un pays comme le nôtre. Cette Dame symbolise la conviction, la détermination, elle symbolise ce qui manque à beaucoup d’hommes et de femmes d’Haïti. Madame Mezile rêve d’un grand pays, d’un pays à la hauteur de nos espérances et c’est évident qu’il faut pour cela des femmes et des hommes qui peuvent servir de modèles.

Jackson Joseph
jajph@yahoo.ca

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