Le Parlement veut couper des têtes

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Soixante-onze députés de diverses tendances politiques déclarent péremptoirement ne pas reconnaître l'autorité de deux ministres: Thierry Mayard-Paul et Josué Pierre-Louis, du secrétaire d'Etat Pierre-Michel Brunache et du chef a.i du parquet de Port-au-Prince, Félix Léger, « impliqués dans la séquestration du député Arnel Bélizaire ». Les fauteuils du ministre de la Justice, Josué Pierre-Louis, et du secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Michel Brunache, sont désormais branlants. Le ministre et le secrétaire d'État sont interpellés par le Sénat, outré par l'arrestation du député Arnel Bélizaire qui a passé une nuit au Pénitencier national.

Le député Arnel Bélizaire (Photo: James Alexis)

Haïti: Les sénateurs n'ont pas fait dans la dentelle en interpellant le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Josué Pierre-Louis, et le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères; ces derniers auraient joué un rôle actif dans l'interdiction faite aux députés d'entrer jeudi au salon diplomatique de l'aéroport. Les deux membres du gouvernement de Garry Conille sont interpellés par quinze des seize sénateurs réunis au Grand Corps.

« Le ministre et le secrétaire d'Etat sont interpellés pour le 3 novembre prochain », a confirmé une résolution adoptée à l'unanimité par les sénateurs. Le ministre Pierre-Louis et le secrétaire d'État Brunache pourront être renvoyés par le Sénat, seulement deux semaines après leur installation, s'ils n'arrivent pas à prouver leur innocence dans l'incarcération du député de Delmas/Tabarre.

Au premier plan, le président de la Chambre basse Sorel Jacynthe (Photo: James Alexis)

Les sénateurs ont, par ailleurs, créé une commission spéciale pour enquêter sur la nationalité de tous les membres du gouvernement de Conille ainsi que celle du président Michel Joseph Martelly. Une enquête interne sera également menée sur les sept membres de la commission spéciale avant d'analyser les pièces du chef de l'Etat et de tous les ministres en fonction. La commission a été déjà formée à la demande du sénateur Moïse Jean-Charles, installés, farouche opposant à Martelly.

Les députés ont également montré leur muscle en ne reconnaissant plus l'autorité de deux ministres, d'un secrétaire d'Etat et du chef a.i du parquet qui seraient impliqués dans l'arrestation de leur collègue Arnel Bélizaire.

Soixante-onze députés de diverses tendances politiques déclarent péremptoirement ne pas reconnaître l'autorité de deux ministres: Thierry Mayard-Paul et Josué Pierre-Louis, du secrétaire d'Etat Pierre-Michel Brunache et du chef a.i du parquet de Port-au-Prince, Félix Léger, « impliqués dans la séquestration du député Arnel Bélizaire ».

Dans une résolution adoptée lors d'une séance informelle par plus de deux-tiers de l'Assemblée, les collègues de Bélizaire ont sommé les deux ministres et le secrétaire d'Etat ainsi que le commissaire du gouvernement de démissionner. S'ils ne se retirent pas volontairement du gouvernement de Garry Conille, les officiels concernés seront interpellés à la prochaine session de la 49e législature - 9 janvier 2012, selon la résolution présentée à l'Assemblée par le député Lévaillant Louis-Jeune. L'ancien président de la Chambre basse menaçait, la veille, d'introduire une demande en accusation du chef de l'Etat, Michel Martelly, suspecté dans la « séquestration du député Bélizaire ».

Des députés considérés comme proches de Martelly, notamment Gracia Delva, Abel Descollines tous deux élus sous la bannière de Lavni, ont signé la résolution qui sera fignolée incessamment par Lévaillant Louis-Jeune pour quelle devienne officielle. Signataire lui aussi de la résolution, le député Jean-Acklush Louis-Jeune a prôné en vain le retrait des ministres désignés par la plateforme INITE et des Partis Ayiti Ann Aksyon (AAA) et PONT.

Arrivé en « libérateur » au Parlement, Arnel Bélizaire a lui aussi endossé la résolution couperet pour certains ministres, un secrétaire d'Etat et le chef du parquet. L'élu de Delmas/Tabarre a tenu à remercier ses collègues parlementaires qui maintenaient la pression pour forcer sa libération. « J'ai l'obligation de ne pas avoir peur pendant les quatre années de la législature », a déclaré Arnel Bélizaire, qui a passé la nuit de jeudi à vendredi au greffe de la prison civile de Port-au-Prince. Considéré comme « évadé de prison » depuis une cabale avec le chef de l'Etat, Arnel Bélizaire a été arrêté à l'aéroport international Toussaint Louverture à sa descente de l'avion.

Le ministre de l'Intérieur, des Collectivités territoriales et de la Défense nationale, Thierry Mayard-Paul, dénoncent les députés, s'est présenté en personne à l'aéroport pour s'assurer de l'arrestation d'Arnel Bélizaire. Le ministre dont l'autorité est contestée, serait impliqué dans des actes de violences perpétrés, le même jour, contre un employé de l'aéroport international Toussaint Louverture. « Le ministre et ses agents de sécurité ont bousculé et arraché le badge de Dorcé Fritz, un employé du service de sécurité de l'aéroport. Ces derniers ont violé un espace inviolable de l'institution aéroportuaire », se lamentent des employés qui observaient un arrêt de travail dans la matinée.

Le ministre de la Justice en Ponce Pilate

La résolution n'a pas épargné le ministre de la Justice, Josué Pierre-Louis, qui joue au Ponce Pilate. Je n'ai rien à voir avec l'arrestation du député Arnel Bélizaire, a plaidé le ministre Pierre-Louis. L'ordre d'arrestation n'arrive pas non plus de l'exécutif, a indiqué le ministre, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse. « La loi interdit de passer des instructions individuelles dans le cadre d'un dossier traité par la justice », a plaidé l'ancien chef du parquet devenu garde des sceaux. Le ministre Pierre-Louis dit avoir demandé rapport au chef a.i du parquet. Il a aussi demandé à Me Félix Léger d'appliquer l'article 115 de la Constitution de 1987, relative à l'immunité parlementaire.
Le sénateur Kély C. Bastien considère comme préméditée l'arrestation du député Arnel Bélizaire. « Elle est faite contre la Chambre des députés et non contre la personne d'Arnel Bélizaire. On avait le souci d'humilier l'institution parlementaire », a insisté le sénateur Bastien.

Les députés réunis en Assemblée (Photo: James Alexis)

Considéré comme un colis encombrant, Arnel Bélizaire a été conduit dans l'après-midi de vendredi au Parlement par des agents de l'Administration pénitentiaire nationale (APENA). Même en disgrâce, le chef a.i du parquet de Port-au-Prince, Me Félix Léger, est revenu à la charge en écrivant au bureau de la Chambre des députés pour lui demander de mettre M. Bélizaire à la disposition de la justice.

Arnel Bélizaire accueilli en héros

1h30 p.m. Le député Arnel Bélizaire est arrivé au Parlement. Il est accueilli comme un héros. Parlementaires, employés du Palais législatif, partisans et sympathisants du député prisonnier ont explosé de joie quand ils l'ont vu. Impossible pour les dizaines de journalistes accrédités au Parlement d'arracher un mot de la bouche du député Bélizaire. Des agents de l'APENA, qui ont conduit le député au Parlement, ont été chahutés.
On ignore pour l'instant si le parlementaire, arrêté, jeudi, à l'aéroport international Toussaint Louverture, est libéré définitivement ou provisoirement.

On sait cependant qu'une lettre annonçant sa libération et signée du commissaire du gouvernement de Port-au-Prince, Félix Léger, a été envoyée au bureau de la Chambre basse. « L'Exécutif a libéré le député Bélizaire parce qu'il est devenu un détenu encombrant », a précisé le député Guy Gérard Georges.

Aucun juge n'a auditionné le député de Delmas/Tabarre jusqu'à sa libération. De quoi porter le député Levaillant Louis-Jeune à qualifier son arrestation de séquestration. « L'Exécutif a libéré le député Arnel Bélizaire clandestinement », a-t-il commenté.


Claude Gilles et Jean-Pharès Jérôme

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