HAITI : Tohu-bohu !
Le député Arnel Bélizaire à la chambre des députés quelques heures
après son arrestation. (Photo JJ Augustin)
La République va mal. Le processus démocratique aussi. Les institutions encore plus. La lutte entre les plus hautes autorités étatiques du pays s’acharne. Le député Arnel Bélizaire et le président Michel Martelly font le buzz de la presse ces dernières semaines. Les conflits entre les trois pouvoirs, soi-disant, exécutif, législatif et judiciaire persistent. Trois pouvoirs s’il en existe. Illusion. Hallucination ou chimère. Entre temps, l’élu de Delmas/Tabarre a été bel et bien arrêté selon le vœu du chef du parquet de Port-au-Prince, au cœur de ce feuilleton politico-judiciaire. Félix Léger, commissaire du gouvernement, nommé par le président fait, peut-être, son job. Que deviendra Arnel Bélizaire ? Sera-t-il le premier prisonnier politique dans l’Haïti de Martelly ?
Indépendance des trois pouvoirs. Un leurre. Véritable mirage. Le feuilleton Martelly-Bélizaire ne prouve pas le contraire. Le système semble avoir encore raison du président qui avait pourtant annoncé des changements dès l’entame de son mandat. Le pouvoir exécutif est fort. Puissant. Ce dernier impose. Dicte. Prescrit. Contraint certaines fois. Voilà tout le débat. Est-ce la démocratie du plus fort pour répéter le chanteur ivoirien Alpha Blondy ? Le pouvoir exécutif a raison, peut-être en aura toujours. Mais à quoi généralement sert tout cela.
Le dossier du député Arnel Bélizaire a été déclenché depuis sa dernière prise de bec avec le président Martelly. Il ne devrait pas le faire. Le président a le droit de proférer des jurons à l’endroit de n’importe qui, contre sa mère, ses sœurs et en retour personne n’a ce droit. La République de Martelly c’est aussi ça. Quand il est dans sa veste de Sweet Micky tout peut se tourner au vinaigre. Monsieur Bélizaire a frappé à la mauvaise porte en faisant du tac au tac au chef de l’Etat ce jeudi 13 octobre au Palais national. Cet évadé de prison, dixit le président, saura de quel bois chauffe la présidence. Décidément, est-ce la montée de la République des bandits légaux ?
L’affaire Bélizaire
Le député Bélizaire a fait la prison à trois reprises. D’abord le 14 septembre 1995 il a été arrêté pour abus de pouvoir et libéré quatre jours après. Il a été arrêté pour faux, usage de faux et escroquerie sur ordre d’un juge d’instruction, # d'écrou DM-385. 18 septembre 1995. Arnel Bélizaire a été libéré après 4 jours de prison. L’ordonnance de clôture a été rendue sur ce dossier, selon une source proche du palais de justice.
La deuxième arrestation est intervenue le 14 octobre 2004 à Radio Caraïbe en compagnie d’autres sénateurs lavalas Gérald Gilles, Rudy Hériveaux et Yvon Feuillé, pour détention d’armes illégales. Il était à l’époque responsable de sécurité au Sénat. Son numéro d'écrou est PN-040100. Son dossier a été confié au juge d'instruction, Me Eddy Darang, aujourd'hui juge à la cour d'appel de Port-au-Prince. Arnel Bélizaire s'est évadé le 19 février 2005, en compagnie, on se le rappelle de l’ex-Premier ministre Yvon Neptune. C’était une évasion collective.
Arrêté en République Dominicaine, au début du mois de mars 2005, sous la demande du ministre de la Justice d’alors, Bernard Gousse, Arnel Bélizaire a été remis aux autorités haïtiennes, puis incarcéré au Pénitencier national. Le magistrat instructeur Patrick Métellus a été chargé du dossier. Présenté par devant la juridiction de jugement le 23 juin 2006, pour détention illégale d'arme à feu automatique, il est jugé, condamné et libéré sous le bénéfice de la loi Lespinasse, après 18 mois de prison préventive, quantum de sa condamnation à en croire, Me Camille Leblanc. L'actuelle doyenne du tribunal de première instance de Port-au-Prince, la juge Jocelyne Cazimir, a affirmé avoir rendu une décision condamnant Arnel Bélizaire à 18 mois de prison. La grande question serait de demander si le député peut continuer à être considéré comme un évadé de prison ? Est-ce que l’ordonnance de clôture a été rendue sur ce dossier ? On ne peut pour l’instant rien vérifier sur ce sujet. Nos démarches se sont révélées vaines.
Est-ce un début ?
Y a-t-il péril en la demeure ou célérité dans l’urgence ? Pourquoi les procédures ne doivent pas être respectées ? Arnel Bélizaire pourrait avoir bien des choses à se reprocher mais les autorités le feront-ils passer pour une victime ? Des questions restent encore pendantes sur ce dossier. A-t-il purgé entièrement sa peine ? Fait-il encore l'objet de poursuite pour des faits différents de ceux pour lesquels il a été jugé, condamné et libéré ?
Le député Arnel Bélizaire a eu, il y a environ trois semaines, une prise de gueule avec le président de la République au palais national, ce qui laisse planer des interrogations sur la décision du commissaire Félix Léger, selon Pierre Espérance. De plus il a dénoncé le fait que la justice a toujours fonctionné d'après les caprices du chef de l'exécutif. Cependant, que peut Me Léger, quand le parquet est subordonné à sa hiérarchie et encore plus s’il ne veut pas perdre son job ? Toutefois, cette situation ne doit pas réfuter la décision du parquet de Port-au-Prince dans la mesure où les faits reprochés au député ne sont pas injustifiés, a fait savoir le défenseur des droits humains.
Par ailleurs, un scandale a eu lieu peu avant l’arrestation du député Arnel Bélizaire. Le président de la Chambre des députés, l’un des responsables du pouvoir législatif, a été interdit d’accès au salon diplomatique de l’aéroport Toussaint Louverture. Des agents de la Minustah et de la Police nationale s’y sont catégoriquement opposés. Dictature. Autoritarisme. Les parlementaires ont crié au scandale. Le pouvoir exécutif reste et demeure le seul pouvoir en Haïti. Des parlementaires y ont finalement cru.
Les institutions doivent être respectées. Il faut éviter toute déchirure pour ne pas créer un mauvais précédent dans une société déjà en lambeau. La Chambre des députés doit assumer ses responsabilités. Le pouvoir judiciaire aussi. Sa vassalisation pourrait être un grand accroc à la démocratie. Arnel Bélizaire, peut-être, le début d’un grand exemple après que la police n’eut jamais exécuté le mandat émis contre l’ex-commissaire de Pétion-Ville, Frantz Georges, l’actuel délégué du Sud, Jean Gabriel Fortuné et tant d’autres personnalités.
Joseph Chanoine Charles
cjchanoine@yahoo.fr
après son arrestation. (Photo JJ Augustin)
La République va mal. Le processus démocratique aussi. Les institutions encore plus. La lutte entre les plus hautes autorités étatiques du pays s’acharne. Le député Arnel Bélizaire et le président Michel Martelly font le buzz de la presse ces dernières semaines. Les conflits entre les trois pouvoirs, soi-disant, exécutif, législatif et judiciaire persistent. Trois pouvoirs s’il en existe. Illusion. Hallucination ou chimère. Entre temps, l’élu de Delmas/Tabarre a été bel et bien arrêté selon le vœu du chef du parquet de Port-au-Prince, au cœur de ce feuilleton politico-judiciaire. Félix Léger, commissaire du gouvernement, nommé par le président fait, peut-être, son job. Que deviendra Arnel Bélizaire ? Sera-t-il le premier prisonnier politique dans l’Haïti de Martelly ?
Indépendance des trois pouvoirs. Un leurre. Véritable mirage. Le feuilleton Martelly-Bélizaire ne prouve pas le contraire. Le système semble avoir encore raison du président qui avait pourtant annoncé des changements dès l’entame de son mandat. Le pouvoir exécutif est fort. Puissant. Ce dernier impose. Dicte. Prescrit. Contraint certaines fois. Voilà tout le débat. Est-ce la démocratie du plus fort pour répéter le chanteur ivoirien Alpha Blondy ? Le pouvoir exécutif a raison, peut-être en aura toujours. Mais à quoi généralement sert tout cela.
Le dossier du député Arnel Bélizaire a été déclenché depuis sa dernière prise de bec avec le président Martelly. Il ne devrait pas le faire. Le président a le droit de proférer des jurons à l’endroit de n’importe qui, contre sa mère, ses sœurs et en retour personne n’a ce droit. La République de Martelly c’est aussi ça. Quand il est dans sa veste de Sweet Micky tout peut se tourner au vinaigre. Monsieur Bélizaire a frappé à la mauvaise porte en faisant du tac au tac au chef de l’Etat ce jeudi 13 octobre au Palais national. Cet évadé de prison, dixit le président, saura de quel bois chauffe la présidence. Décidément, est-ce la montée de la République des bandits légaux ?
L’affaire Bélizaire
Le député Bélizaire a fait la prison à trois reprises. D’abord le 14 septembre 1995 il a été arrêté pour abus de pouvoir et libéré quatre jours après. Il a été arrêté pour faux, usage de faux et escroquerie sur ordre d’un juge d’instruction, # d'écrou DM-385. 18 septembre 1995. Arnel Bélizaire a été libéré après 4 jours de prison. L’ordonnance de clôture a été rendue sur ce dossier, selon une source proche du palais de justice.
La deuxième arrestation est intervenue le 14 octobre 2004 à Radio Caraïbe en compagnie d’autres sénateurs lavalas Gérald Gilles, Rudy Hériveaux et Yvon Feuillé, pour détention d’armes illégales. Il était à l’époque responsable de sécurité au Sénat. Son numéro d'écrou est PN-040100. Son dossier a été confié au juge d'instruction, Me Eddy Darang, aujourd'hui juge à la cour d'appel de Port-au-Prince. Arnel Bélizaire s'est évadé le 19 février 2005, en compagnie, on se le rappelle de l’ex-Premier ministre Yvon Neptune. C’était une évasion collective.
Arrêté en République Dominicaine, au début du mois de mars 2005, sous la demande du ministre de la Justice d’alors, Bernard Gousse, Arnel Bélizaire a été remis aux autorités haïtiennes, puis incarcéré au Pénitencier national. Le magistrat instructeur Patrick Métellus a été chargé du dossier. Présenté par devant la juridiction de jugement le 23 juin 2006, pour détention illégale d'arme à feu automatique, il est jugé, condamné et libéré sous le bénéfice de la loi Lespinasse, après 18 mois de prison préventive, quantum de sa condamnation à en croire, Me Camille Leblanc. L'actuelle doyenne du tribunal de première instance de Port-au-Prince, la juge Jocelyne Cazimir, a affirmé avoir rendu une décision condamnant Arnel Bélizaire à 18 mois de prison. La grande question serait de demander si le député peut continuer à être considéré comme un évadé de prison ? Est-ce que l’ordonnance de clôture a été rendue sur ce dossier ? On ne peut pour l’instant rien vérifier sur ce sujet. Nos démarches se sont révélées vaines.
Est-ce un début ?
Y a-t-il péril en la demeure ou célérité dans l’urgence ? Pourquoi les procédures ne doivent pas être respectées ? Arnel Bélizaire pourrait avoir bien des choses à se reprocher mais les autorités le feront-ils passer pour une victime ? Des questions restent encore pendantes sur ce dossier. A-t-il purgé entièrement sa peine ? Fait-il encore l'objet de poursuite pour des faits différents de ceux pour lesquels il a été jugé, condamné et libéré ?
Le député Arnel Bélizaire a eu, il y a environ trois semaines, une prise de gueule avec le président de la République au palais national, ce qui laisse planer des interrogations sur la décision du commissaire Félix Léger, selon Pierre Espérance. De plus il a dénoncé le fait que la justice a toujours fonctionné d'après les caprices du chef de l'exécutif. Cependant, que peut Me Léger, quand le parquet est subordonné à sa hiérarchie et encore plus s’il ne veut pas perdre son job ? Toutefois, cette situation ne doit pas réfuter la décision du parquet de Port-au-Prince dans la mesure où les faits reprochés au député ne sont pas injustifiés, a fait savoir le défenseur des droits humains.
Par ailleurs, un scandale a eu lieu peu avant l’arrestation du député Arnel Bélizaire. Le président de la Chambre des députés, l’un des responsables du pouvoir législatif, a été interdit d’accès au salon diplomatique de l’aéroport Toussaint Louverture. Des agents de la Minustah et de la Police nationale s’y sont catégoriquement opposés. Dictature. Autoritarisme. Les parlementaires ont crié au scandale. Le pouvoir exécutif reste et demeure le seul pouvoir en Haïti. Des parlementaires y ont finalement cru.
Les institutions doivent être respectées. Il faut éviter toute déchirure pour ne pas créer un mauvais précédent dans une société déjà en lambeau. La Chambre des députés doit assumer ses responsabilités. Le pouvoir judiciaire aussi. Sa vassalisation pourrait être un grand accroc à la démocratie. Arnel Bélizaire, peut-être, le début d’un grand exemple après que la police n’eut jamais exécuté le mandat émis contre l’ex-commissaire de Pétion-Ville, Frantz Georges, l’actuel délégué du Sud, Jean Gabriel Fortuné et tant d’autres personnalités.
Joseph Chanoine Charles
cjchanoine@yahoo.fr
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